Bierce l'amer, le Diable hilare, le Tout-puissant Dieu Bierce, l'individu le plus méchant de San Francisco, telles sont les aimables qualifications dont fut gratifié Ambrose Bierce, cette imposante figure des Lettres américaines que Jacques Sternberg tient pour "la figure de proue de l'humour noir". Plus adulé et plus haï que personne, il fut le maître incontesté de la formule assassine, corrosive et sans merci pour toutes les faiblesses d'une créature qui passe pour pensante. L'obstiné lexicographe de nos imperfections... Le présent ouvrage rassemble un bouquet épineux de plus de 600 articles du Dictionnaire du diable, autant de définitions retrouvées bien après la disparition de leur auteur et non traduites en français jusqu'à ce jour.
BOMBE - Argument de l'assiégeant en faveur de la capitulation, mis avec doigté à la portée des femmes et des enfants.
COMÉDIE - Le métier du politicien, la science du médecin, le savoir des critiques, la religion des prédicateurs à sensation, en un mot le monde.
DÉFILÉ - Une multitude de fieffés crétins qui ont oublié de cultiver le sens du ridicule.
FAUNE - Terme général désignant les diverses bêtes qui infestent n'importe quel endroit, à l'exclusion des animaux domestiques, des ménageries ambulantes et des Démocrates.
GYMNASTE - Individu qui met sa cervelle dans ses muscles.
HONNÊTE - Entravé dans sa conduite.
IMPOSTURE - La vie du commerce, l'âme de la religion, le leurre de la galanterie et le fondement du pouvoir politique.
Pierre Jourde : Mettre en scène la prégnance de choses anciennes, les morts, les souvenirs, tout ce qui est de l'ordre du fané, du désuet, du décomposé. La force de ce qui n'est pas, mais qui par-delà le ridicule s'impose à nous. Cela prend à chaque fois la forme d'une danse (rock, rumba, valse), parce que la poésie est musique. Alors pourquoi ne serait-elle pas dansante ? On valserait sur elle, avec le fantôme des choses mortes.
La sonorité est cacophonique, chocs de sonorités, constructions bancales, argot, comme si l'orchestre populaire de ce bastringue jouait des couacs. Ça sonne comme Rain Dogs de Tom Waits. Il y a aussi, un peu comme sur les partitions d'Erik Satie, des indications d'exécution, de petites formules en marge qui ont pour fonction de donner une inflexion, d'appuyer la loufoquerie triste du propos. Orchestré par Pierre Jourde, le recueil est interprété par Pierre Jourde, qui en est un autre, et qui fait chalouper les images comme Mimile fait chauffer le baloche.
Ce livre est un voyage à travers le royaume minéral qui nous côtoie ou nous habite.
Portés par une commune intuition, poète et peintre nous guident, au fil de leurs portraits de pierres, dans la profondeur originelle de l'univers vivant.
Fabienne?Verdier : "Il suffit de broyer un peu d'encre pour que l'alchimie du pin, du musc et du camphre nous donne la clé des songes."
George Orwell ou le prophète sombre de lendemains qui ne chantent guère, de temps uniformisés, amoindris par toutes sortes de contraintes, violences, oppressions plus ou moins voilées.
Le prophète sombre d'une société où la guerre était une sauvegarde de la santé mentale, où l'usage de la parole était réduit au minimum, où un caquètement de canard remplaçait peu à peu les mots, nos propres mots. Sa terrible utopie, voilà que nous y sommes largement et sciemment entrés à l'aide de nos proliférantes prothèses technologiques.
Lanceur d'alerte en quelque sorte, George Orwell a levé son écriture contre toute dictature, contre toute vie ossifiée pour préserver notre liberté de mouvement, de sentir et de penser.
«Nous nous rencontrerons là où les ténèbres ont disparu.»
A. Yterce : Hanté, effrayé de vivre, Trakl sait que rien n'a de sens dans un monde homicide, plus vide qu'un sang sevré. C'est pourtant ce monde brisé qu'il désire subir jusqu'au bout pour écrire et révéler dans les atmosphères de la nuit, de la mort et de la folie les dégradations d'une société qui condamne jeunesse et beauté à la souffrance, à l'aliénation, à la guerre, à la mort, au néant.
Avec sa composition sur trois lignes de 5, 7 et 5 syllabes, avec sa césure (kire en japonais) en fin de première ou deuxième ligne, avec son attention à l'instant présent comme avec sa langue simple et dépouillée, sa neutralité foncière, le haïku est à la fois un genre littéraire, une ascèse et une méthode d'approche du réel.
C'est avec cette méthode qu'Ailleurs est partout chez lui prend les yeux de l'enfance devant une maman kangourou, contemple un reflet dans une flaque d'eau ou s'attarde devant une mendiante, qu'il partage la vie d'un paulownia ou accueille une ondée fraîche, avec cette méthode qu'Ailleurs est partout chez lui mesure le prix de l'amour au regard du temps qui passe ou du ciel qui s'enténèbre, qu'il sent le vent de la Baltique ou savoure une matinée terrestre, avec cette méthode enfin qu'Ailleurs est partout chez lui rejoint la tradition japonaise du haïku pour noter l'éveil du cerisier, voir brûler juillet dans les oliviers, entendre tomber les feuilles éternellement ou mourir un temps avec l'hiver.
Pour l'auteur, ailleurs est partout chez lui parce que tout ailleurs est un ici, et le haïku le sait, qui tente d'en dire la présence, si effacée ou manifeste soit-elle, si proche ou si lointaine. Le haïku n'a pas de patrie, il est partout chez lui.
"Parfois, je me sens, avouait Mark Twain, comme la personne saine d'esprit dans une communauté de fous ; parfois, je me sens comme le seul aveugle là où tout le monde voit, le seul sauvage tâtonnant dans le collège des savants, et toujours pendant le service, je me sens comme un hérétique au paradis." Plus qu'au paradis, on brûle d'aller en enfer pour retrouver un écrivain assurément en bonne compagnie. Sur terre l'auteur, si connu pour ses romans à l'usage de la jeunesse, n'avait pas cessé de décocher ses flèches sur une Amérique détraquée, fausse, détestable. Inépuisable était son carquois de traits acérés contre, parmi d'autres, celui qui peut brailler le plus fort sans savoir ce qu'il braille.
Avec son contemporain Ambrose Bierce, il a fait partie de ces vigies qui scrutent les travers d'un homme, des hommes, de leur société et relèvent non sans un humour acidulé tout ce qui pouvait empoisonner l'air de leur temps.
Un bon siècle plus tard, dans ce monde terriblement enclin au mensonge, les aphorismes lucides de Mark Twain ont-ils vieilli, l'air de notre temps est-il plus pur ?
Alain Blanc.
« Quel siècle à mains ! » s'écrie le Rimbaud de « Mauvais sang » (Une Saison en enfer). Chez lui, le pied libère, la main asservit. Il faut choisir - preuve absolue de liberté libre - : « En marche ! » donc ! Rimbaud prétendait fuir l'enfer moderne. Faire plutôt que dire ! Exit la poésie. Il ne tardera pas à découvrir qu'il le porte en lui. L'autre en soi, son pire ennemi ?
Les poèmes d'Avec ou sans les mains tentent de baliser un autre chemin buissonnier : celui de la réconciliation de l'homme avec soi-même pour restaurer un vivre-ensemble dont la poésie en particulier, l'art plus généralement, en seraient garants. Les mots ont encore un rôle à jouer : être soi-même. Le dire et le faire ne s'opposent pas forcément. Faire avec rien un tout. Noblesse de l'homme aux prises avec la tragi-comédie du vivre. L'humour rend ici sa politesse au désespoir. Poésie : la vraie vie ?
Bierce l'amer, le Diable hilare, le Tout-puissant Dieu Bierce, l'individu le plus méchant de San Francisco, telles sont quelques-unes des aimables qualifications dont fut gratifié Ambrose Bierce, cette imposante figure des Lettres américaines qui disparaîtrait à jamais en 1913 dans un Mexique en proie à la fièvre révolutionnaire. Le présent ouvrage rassemble un bouquet épineux de plus de 600 articles du Dictionnaire du diable, autant de définitions retrouvées bien après la disparition de leur auteur et non traduites en français jusqu'à ce jour. Jacques Sternberg tenait le plus caustique des lexicographes pour la "figure de proue de l'humour noir".
« L'inspiration poétique est la forme occidentale de la Voyance. » a écrit Roger Gilbert-Lecomte. En 1928 il crée avec René Daumal Le Grand Jeu, un mouvement qui n'est pas « un groupe littéraire, mais une union d'hommes liés à la même recherche » et tous épris de cette révolte « capable de bien des miracles ».
Pour répondre à sa quête d'absolu il s'est livré au long dérèglement de tous les sens voulu par Rimbaud . « Il est un des rares poètes d'aujourd'hui, affirme Antonin Artaud, à cultiver cette forme de lyrisme violent, noueux, torride, ce lyrisme en cris d'écorché, qui se pare de mots abrupts, d'images-forces, où la convulsion et le spasme rendent le son de la nature en plein travail. »
De la religion et autres balivernes.
De la vertu et autres fadaises.
Du narcissisme et autres névropathies.
Du sexe et autres bagatelles.
De la raison pragmatique et autres frivolités.
De la raison sportive et autres coquecigrues.
De la raison scientifique et autres approximations.
De l'art et autres billevesées.
De la littérature et autres fariboles.
Suivi du PETIT TRAITÉ DE MÉTAPHYSIQUE ÉLÉMENTAIRE.
__________________________ Quel que soit son champ d'action, c'est en champ de bataille qu'il excelle à le transformer. Car Alain Dantinne est bel et bien un arbre batailleur (comme les oliviers de René Char), un iconoclaste à la langue belge coupante un peu, un peu plus. On soupçonne qu'il ne doit pas avoir les dents longues, il s'en contrefout, mais il a les crocs d'un fauve à l'humour ravageur aussi joyeux qu'elliptique.
Injonction d'écriture, prescription morale : s'ils ont quelque valeur, on ne peut se contenter de se payer de mots.
Qu'on ne s'attende pas maintenant à quelques exemples métaphysiques ou kantiens du félin, je ne le citerai pas, on ne saurait le résumer car qui ferait plus concis que lui ? Il faut donc lire Dantinne dans le texte seulement. (Alain Blanc)
Tout au long de cet itinéraire, les doutes, l'issue d'une vie hasardeuse, viennent en contrepoids d'un espoir toujours latent, même discrètement exprimé. Cet espoir ce sont les mots qui le détiennent, ces mots qui accompagnent le poète dans son errance : « Les mots en cendres / un feu nouveau les recueillera. » Et si l'espoir faiblit parfois, la vision de la nature, d'un paysage redonne des forces au marcheur-poète autant que les souvenirs que détient la mémoire, autant que les rêves qu'il n'abandonne jamais. « Ce que tu as rêvé un jour te sera restitué. » Même si la vie s'estompe peu à peu, reste l'énigme du destin, d'un avenir inconnu pour lequel le temps souvent rappelé n'importe plus. Pas de désespoir, ni de tragique dans ces poèmes mais la marque d'un espoir que détiennent les mots et vers lesquels nous allons sans hésiter parce qu'ils ne déçoivent jamais celui qui se livre à eux.
?Ce livre Haïkus du bord du chemin marque un nouveau caillou blanc dans l'amitié littéraire, littérale, entre le poète israélien Amir Or et le calligraphe hébraïque Frank Lalou. Leur première collaboration se fit sous le signe de l'érudition autour de l'Évangile Thomas. Ce nouvel opus est né sous le signe d'une passion commune pour l'Asie et le Japon.
L'enfance en crue a pris d'assaut mes pages. Ses voix brisées, ses digues de silence, sa maison rougie au fer et ses poussées dans le noir se sont imposées à moi comme un attentat, que j'ai laissé glisser au tamis du poème.
Elle a plu derrière ses yeux pour épargner la mère Elle a tendu la joue pour être en ligne avec le ciel fou au-dessus d'elle Elle s'est rasée la tête et ses cheveux pendus font office de conteur Tout entière dans les plis de la mère, son ombre incapable de suivre les contours déchaînés de leurs corps a disparu pour de bon.
Le poète, nouvelliste et romancier albanais Eqrem Basha est né en 1947, dans la province de Dibra (Macédoine), et fait ses études à Prishtina, où il réside. Il est le cofondateur de la maison d'édition Dukagjin, à Pejë, et a exercé, durant un temps, la profession de journaliste. Il a publié, à ce jour, dix recueils de poésie, quatre volumes de nouvelles et quatre romans, dont l'un, L'Alpiniste, a été traduit en anglais. Il a écrit, également, pour le cinéma et la télévision, et commis des études sur l'art. Il a traduit plusieurs auteurs français du théâtre de l'absurde, ainsi que Lévy-Strauss et le poète italien Ungaretti. Il a lui-même été traduit dans divers pays d'Europe et d'Asie, et une sélection de ses nouvelles a paru chez Fayard en 1999. Eqrem Basha est membre de l'Académie des Sciences et des Arts du Kosovo.
Partir de peintures et de dessins pour susciter des textes, assurer la trajectoire des pigments aux mots, faire vibrer des correspondances selon les styles et inspirations de chacun des artistes et écrivains. Partir à la découverte de quatorze cheminements entre peintres et écrivains où se façonnent les signes de l'écriture en regard des constructions picturales.
Donner ainsi à cet ouvrage conçu par Jörg Hermle et Alain Miquel une tonalité particulière.
Denis Pouppeville - Gilbert Lascault Eduardo Zamora - Bernard Chambaz Victor Soren - Claude Louis-Combet Béatrice Bröder - Anne-Laure Chanel Daniel Livartowski - Vincent Wackenheim Joanna Flatau - Pascale Mérode Abraham Hadad - Marie Nicollas Bernard Thomas-Roudeix - Jean-Durosier Desrivières Elisabeth Walcker - Liliane Ravera Tudor Banus - Claude-Lucien Cauët Jörg Hermle - Jean-Yves Simon Xavier Bureau - Jean-Noël Cuenod Claude Yvetot - Gérard Gantet Kristian Desailly - Pierre Jourde
T'ang Haywen (1927-1991), calligraphe de l'invisible d'origine chinoise, ayant vécu à Paris dès 1948, recréait inlassablement le monde d'un pinceau à la fois délicat et puissant. Ce fut un prince en exil voyageant incognito et ne possédant que son oeil de phénix pour édifier un univers d'encre et de merveilles. Ainsi élaborait-il d'éblouissantes cosmogonies dans son modeste atelier de Montparnasse. C'est là que je lui rendais visite, au seuil des années soixante, tout au bonheur de le regarder peindre avec des mines de chat somnambule. Notre amitié dura jusqu'à son décès survenu à 64 ans. « La mort, m'avait-il confié avec un sourire énigmatique, ne met pas fin à nos rêves ».
En effet, depuis sa disparition, son oeuvre, de plus en plus visible à travers le monde, fait peu à peu de lui l'un des artistes marquants de la modernité aux côtés de Zao Wou-Ki et de Chang Dai-Chien.