Le génocide arménien a un siècle. Une page noire de l'histoire turque, toujours controversée, toujours taboue; un drame qui hante les esprits et les coeurs de génération en génération. Pinar Selek interroge son rapport à cet épisode et à la communauté victime. Au fil des souvenirs et des rencontres, elle raconte ce que signifie se construire en récitant des slogans qui proclament la supériorité nationale, en côtoyant des camarades craintifs et silencieux, en sillonnant Istanbul où les noms arméniens ont été effacés des enseignes, en militant dans des mouvements d'extrême gauche ayant intégré le déni.
Au-delà de la question arménienne, ce témoignage sensible, engagé, parfois autocritique, dénonce les impasses de la violence et sonde les mutations de l'engagement collectif.
Azucena, mince et brune quinqua aux chaussures rouges, semble être chez elle dans le Train bleu reliant Nice et Paris. Elle y dort, y fait des rencontres, s'y protège des menaces parfois lourdes, y agit, aussi, réalisant des missions secrètes. C'est qu'à Nice, elle est au coeur de plusieurs groupes constitués en réseaux informels, amitiés, résistances. Avec les Paranos, elle distribue dans un stand près de la gare, légumes et graines bio aux abonné.e.s, comme s'il s'agissait de contrebande ou de produits illicites. Avec Luna, elle exfiltre des chiens ayant fui leurs maîtres autoritaires ou violents pour commencer une nouvelle vie. Tout autour d'elle gravite une foule hétéroclite, un rien fantasque, de doux rêveurs qui ne renonceraient pour rien au monde à la mise en pratique de leurs idéaux : Gouel, le marin irlandais, chanteur des rues, Alex, le poète et «prince des poubelles», Manu, Monique, Nadette, un cheminot syndicaliste, Siranouche ou encore la Chienne noire, son amie... Quelques-uns sont, tout comme elle, un peu cabossés, mais trouvent dans les liens qui les unissent des raisons d'espérer. Parce que l'espoir n'est pas une option. Tous, comme autant de fourmis invisibles et obstinées creusant des tunnels pour faire déraper, sans violence, notre vieux monde, oeuvrent ainsi par l'exemple plutôt que par le discours, à en créer un nouveau, plus libre et lumineux, plus solidaire et plus juste.
Cet ouvrage dit la douleur de l'exil non choisi et, au delà, l'espérance et le courage d'une femme libre qui a fait siens ces mots de Virginia Woolf : "Mon pays à moi, femme, c'est le monde entier". S'étant entraînée dès l'enfance à repousser les murs des espaces, réels et imaginaires, qu'elle habitait, l'auteur explore les tensions entre la nostalgie pour là-bas et l'attirance pour l'ailleurs... Cette nouvelle édition est augmentée d'une lettre adressée par Pinar à ses ami·es de Lyon, lorsqu'elle a quitté cette ville en 2015 pour Nice.
La "Chronologie" retraçant les grandes étapes de son parcours et le procès fleuve que lui intente l'État turc a été mise à jour, de même que la bibliographie de ses écrits.
Octobre 1980. Istanbul retient son souffle alors que les militaires envahissent les places au passage du dictateur. Elif, quinze ans, confie à son ami Hasan ses inquiétudes sur le sort de son père, un pharmacien emprisonné pour ses idées politiques. Hasan, lui, ne songe qu'à la nouvelle vie qui l'attend au conservatoire de musique de Paris. Sema vit avec sa mère à Yedikule mais rêve que son amoureux, Salih, un apprenti menuisier d'origine kurde l'emmène loin de ce quartier populaire.
Année après année, nous suivons le parcours de ces quatre jeunes gens :
L'engagement d'Elif dans un groupuscule d'extrême gauche, l'amitié fervente d'Hasan pour Rafi, un musicien qui l'entraîne sur les routes d'Europe, l'émancipation de Sema, l'auberge-refuge que bâtira Salih. Autour d'eux et d'autres personnages évocateurs (artisans, sans-abris, prostituées, militants), Pinar Selek brosse le tableau de la Turquie depuis le lendemain du coup d'État jusqu'au terrible tremblement de terre d'août 1999.
A travers 58 entretiens menés avec des hommes de différents âges et milieux socio-géographiques, cet ouvrage vise à saisir les souvenirs que le service militaire a laissés aux anciennes recrues et les discours qui l'accompagnent. Premier arrachement au milieu familial pour beaucoup, il implique un véritable brassage ethnique et de classe, et un tourbillon de nouveautés pour les jeunes gens.
Pinar Selek s'intéresse aux différentes étapes de la construction de la domination hégémonique masculine, essayant de « sonder les ténèbres qui font d'un bébé un assassin ». L'enquête de terrain initiale menée en 2007, l'avait conduite à rencontrer des hommes d'origines géographiques et de milieux sociaux très différents sur plusieurs générations ayant seulement en commun d'avoir été obligés de faire leur service militaire, obligatoire en Turquie. Ce fut l'objet d'un premier ouvrage, "Service militaire en Turquie et construction de la classe de sexe dominante - Devenir homme en rampant" (L'Harmattan, 2014). L'autrice y étudiait les différents mécanismes à l'oeuvre pour formater les individus : dépersonnalisation, violence, soumission, absurdité et arbitraire d'ordres auxquels les jeunes appelés ne peuvent se soustraire, nationalisme et culte du pouvoir, de la force. Avec ce nouveau livre qui réarticule les éléments de ses recherches précédentes, Pinar Selek élargit sa réflexion, nourrie de références philosophiques à nos sociétés toutes entières, régies par un capitalisme effréné et un mépris à l'égard des femmes dans un contexte mondial de guerres et une montée des régimes autocratiques. Un texte fort et nécessaire. C'est dans un cadre très particulier, celui du système répressif turc, que Pinar Selek a mené son enquête, défiant la censure omniprésente. Exilée en France depuis 2011, elle est victime d'un acharnement judiciaire de la part de l'État turc depuis 25 ans et menacée de mort.
Réédition en poche de ce livre d'entretiens avec cette sociologue, féministe et écrivaine exilée en France, une des plus grandes intellectuelles turques contemporaines avec Asli Erdogan. Elle revient sur son parcours, ses engagements auprès des minorités et son soutien à diverses contestations. Elle témoigne surtout de son désir de décloisonner les luttes et d'élargir les coopérations au-delà des frontières.
Verte et sa grand-mère parlent le langage des oiseaux. Cette faculté extraordinaire inquiète beaucoup les volatiles, qui craignent que les humains n'étendent encore leur empire. Ils décident de se mobiliser. Un conte initiatique sur la liberté et l'amitié.
"« Avez-vous déjà vu une sorcière ?
Moi oui. Je l'ai même touchée. Sur notre île, on l'appelait la Sorcière à la Cape Noire.
J'ai peigné les cheveux de celle qui était notre malédiction. Ensuite... » Algue, enfant curieuse et intrépide, ne se laisse pas impressionner par les peurs qui polluent la vie et l'harmonie de son île... Le jour où la Sorcière à la Cape Noire s'attaque à son frère, Algue prend son courage à deux mains et s'en va lui demander des comptes... Qui est donc cette Sorcière à la Cape Noire ?
Après Verte et les oiseaux, ce deuxième conte de Pinar Selek interroge la peur de l'autre et les préjugés, le courage qu'il faut pour les dépasser."