Ce livre est un dialogue entre les deux parts de moi-même : celle que j'exprime publiquement par mon travail ; celle que j'ai toujours gardée pour moi et mes proches.
D'un côté, cet essai de sciences sociales fait la généalogie de MeToo. Trois révolutions du permis et de l'interdit sexuels ont jalonné l'histoire de nos sociétés : l'invention du rapt de séduction au XVIe siècle ; l'imposition d'un ordre matrimonial sécularisé en 1804 ; l'égalité de sexe à partir des années 1970.
D'un autre côté, ce livre est un récit à la première personne. En écrivant « Moi aussi » sur ma page Facebook dès 2017, j'ai pensé à ce qui m'était arrivé à l'âge de huit ans. Je prolonge ce témoignage par une réflexion sur ce que les sociologues taisent en général : la place du féminisme dans la recherche, la façon dont la vie bouscule nos enquêtes, les violences et les bonheurs qui attendent une femme lorsqu'elle ose prendre la parole.
Le mouvement MeToo n'a pas seulement mis au jour un immense continent de violences. Il invente aujourd'hui une nouvelle civilité sexuelle, portée par les valeurs de respect et d'émancipation.
I. T.
La loi du 17 mai 2013 instituant le mariage des couples de même sexe a suscité une violente opposition. Alors que le projet recueillait une adhésion massive au sein de la population, notamment chez les jeunes, il a été combattu par un camp traditionaliste, minoritaire, qui a réussi à fédérer tout un ensemble de préjugés et d'inquiétudes. Or le moteur des changements dans la famille n'est pas l'individualisme égoïste. C'est la victoire d'une valeur qui bouleverse tout notre système de parenté : l'égalité de sexe. Avec le « mariage pour tous », nous n'avons pas seulement donné des droits à une minorité. Nous avons remis en cause l'ordre matrimonial qui avait, il y a deux siècles, présenté la complémentarité hiérarchique du masculin et du féminin comme l'horizon indépassable des rapports de sexe. Réinscrire ces bouleversements dans le temps long des débats, des lois et des pratiques, c'est se donner les moyens de comprendre la révolution en cours, ainsi que les nouvelles valeurs familiales qui l'animent. C'est aussi préparer la prochaine étape du combat : la filiation pour tous.